La guerre me rattrape à l’âge de 55 ans. Je suis né au Liban, et j’ai passé la majeure partie de mon enfance et toute mon adolescence en mode survie à cause de la guerre qui a débuté en 1975 et qui s’est « officiellement terminée » en 1990. Vivre au Liban en temps de guerre est un luxe qui n’est pas à la portée de tous. On passe de la mode vie à la mode survie et la mort devient une habituée que l’on fréquente au quotidien.  

 Je suis partie en France à la fin de la guerre et à la fin de mes années à l’école secondaire pour apprendre à vivre. J’ai suivi des études universitaires, j’ai ensuite travaillé dans une entreprise privée avec de faire le saut et de suivre le Christ dans la Compagnie de Jésus à 32 ans, toujours en France. Le retour au Liban s’est effectué après mon ordination sacerdotale et après de longues années passées en France. Les missions qui m’ont été confiées tournent autour de l’enseignement supérieur et l’engagement humanitaire auprès des plus pauvres. 

Et c’est là que la guerre m’a rattrapé dans un pays qui vit en faillite économique totale depuis 2019 et qui traverse la pire crise socio-politique de son existence. Et c’est dans cette descente du pays aux enfers que je suis appelé à vivre ma foi et à rendre compte de l’espérance qui m’habite. 

Un des défis à relever se trouve dans ces paroles d’Isaïe 40, 1 « consolez, consolez mon peuple » ; mais avec quelles paroles peut-on consoler toute une population écrasée par les crises à répétitions depuis 2019 ? La consolation prend avant tout la posture d’une oreille qui écoute attentivement la plainte des personnes éprouvées, créant ainsi un espace dialogal et accueillant dans lequel la souffrance est exprimée en toute liberté. Cet espace est le lieu dans lequel se tissent les liens de la fraternité renforçant ainsi les liens qui soudent la communauté ou ce que l’on appelle l’Eglise – peuple de Dieu. Et c’est dans ce cœur à cœur fraternel que la parole s’échange en toute liberté. Parole de soutien, parole de consolation et parole d’espérance. 

Un autre défi à relever se trouve dans le service des uns des autres et de l’engagement des uns envers les autres, notamment l’engagement envers les plus démunis. Il ne s’agit pas de « faire des actes de charité ». Il s’agit de se donneret de donner gratuitement de son temps et parfois de son argent pour être au service des plus démunis. La fraternité prend ici la figure du partage et du don gratuit à l’image de la veuve de l’Evangile de Luc qui donne de son indigence (Luc 21, 1 à 4).  Le « plus petit » devient ici le roi à servir et surtout le frère ou la sœur à aimer. 

Et c’est là que réside le plus grand des défis : révéler l’amour de Dieu pour les humains face à la violence et à la barbarie. Amour qui trouve sa racine dans l’écoute et qui se manifeste dans l’échange des paroles d’espérance et dans le service des plus démunis. Un amour qui manifeste la puissance de la vie face à la culture de la mort. 

Cet amour a un autre nom, celui de résurrection et il possède deux formes bien précises, celle d’un tombeau vide et d’un pain fractionné et partagé.