The following reflection was given by Fr. Etienne Grieu SJ at a meeting of the French Province of the Society of Jesus. Fr. Grieu is the rector of Centre Sévres, Paris.

Reflecting on 2020 as the year in which we all experienced the pandemic, what have we discovered through our ‘collective misfortune’?  Has it been a ‘pedagogy’ in which we recognise we live through each other? Could we say it has been a sort of ‘eucharist’ in which we have come to see in the broken body, that it is shared and one?

Nous ne sommes pas près de l’oublier, cette année 2020 !  Pour la première fois depuis très longtemps, nous avons fait l’expérience d’un malheur collectif. La pandémie de Covid 19, c’est cela : un malheur qui touche tous les continents, tous les pays, tous les milieux sociaux, tous les âges, même si bien sûr, certains, plus exposés, moins protégés par des systèmes de santé déficients ou par des conditions de vie déjà précaires, seront beaucoup plus touchés que d’autres. En tout cas, il s’agit bien d’un malheur collectif, qui, potentiellement, peut toucher chacun. On est dans le même registre que les guerres, les crises économiques dévastatrices, ou bien les catastrophes naturelles de très grande ampleur. 

Or, cela, nous n’en avions plus fait l’expérience, en France et en Europe, depuis la deuxième guerre mondiale, c’est-à-dire depuis 65 ans. C’était passé hors de notre champ de conscience.  

Un malheur collectif, c’est bien entendu, terrible, du fait de son ampleur ; les victimes se comptent par milliers. Cela dit comparé à une guerre, ce que nous connaissons est un petit malheur collectif. 

Je voudrais insister sur le deuxième terme de cette expression : malheur collectif. Car il pourrait, lui, avoir une fécondité et contenir une promesse. Nous avons fait l’expérience d’être frappés ensemble. Je crois que cela peut nous réveiller, brutalement, d’un sommeil dans lequel nous nous étions enfoncés, où nous voyions notre destinée ne s’écrivant qu’à la première personne du singulier. 

Quand je regarde maintenant les affiches de pub dans la rue, elles paraissent très souvent tout à fait décalées par rapport à ce que nous sommes en train de vivre, notamment quand elles flattent notre fibre narcissique. Et je me demande alors si ce réveil va durer, ou bien si nous allons bien vite retomber en léthargie. 

En tout cas, cet épisode de la pandémie pourrait jouer un rôle important, si nous prenons conscience que le petit malheur collectif qui nous touche peut être vu comme le prélude à un malheur autrement plus gros, celui de la crise écologique et de toutes les tensions qui l’accompagneront ; crise qui, très probablement, se manifestera comme une série de malheurs collectifs, plus ou moins importants, mais qui se succèdent et se répètent et nous mettent à chaque fois face à des défis immenses. 

Finalement, en cette année 2020, c’est la question de l’avenir proche de notre monde, de notre planète, qui commence à se poser, grandeur nature. 

Dans Fratelli tutti, le pape François, il me semble, dessine avec deux gros traits rouges, la situation dans laquelle nous sommes : la mondialisation libérale, d’un côté, continue de faire violence à énormément d’hommes et de femmes et de peuples, sans qu’apparaisse clairement des alternatives économiques probantes. Et d’un autre côté, en réaction, naissent des courants populistes, au verbe fort, des courants identitaires, qui ont en commun de désigner des adversaires, des coupables. Or ces deux tendances, en apparence opposées, jouent exactement dans le même sens, elles nous empêchent d’agir ensemble. Elles disqualifient des acteurs, leur faisant perdre toute capacité à participer aux décisions et les rejettant sur le bord. 

Le pape François, face à cela, pense que l’on peut s’appuyer sur une autre tendance, présente en tout être humain, la conscience que nous découvrons qui nous sommes dans la rencontre, la relation, à travers les appels que nous nous lançons, les engagements que nous prenons, les soutiens mutuels dont nous sommes capables. 

Il me semble que nous sommes engagés dans un combat : cette vision de la destinée humaine, où l’on a conscience que la valeur numéro 1, c’est ce qui nous relie, va-t-elle l’emporter ? Ou bien allons-nous céder aux sirènes de tout ce qui nous isole et fait de nous des êtres méfiants, refusant de tendre la main ou même l’oreille, seulement avides de nous-mêmes, mais de ce fait, tout disposés à s’autodévorer ? 

Ce combat est aussi un combat politique ; on l’a vu à travers la campagne américaine et tout ce qui s’est passé autour de la nonréélection de Donald Trump. Mais c’est surtout un combat spirituel. Le grand rendez-vous, pour nous, c’est de redécouvrir que la vie se reçoit des autres ; que c’est ensemble que nous pouvons agir, trouver du sens, créer, louer, servir, faire réponse au don que nous avons reçu. 

C’est pourquoi, cette pandémie, nous pourrions y voir une première pédagogie, pour redécouvrir qu’en réalité, nous vivons les uns par les autres. Non sans humour, le petit virus couronné a choisi de nous apprendre cela en nous séparant les uns des autres. L’expérience du confinement nous a montré on ne peut plus clairement que nous ne pouvons subsister les uns sans les autres. 

Et comme croyants, qu’avons-nous découvert ? Peut-être une chose toute simple : à travers tous ces gestes, ces appels qui chaque jour nous réinvitent à l’existence, eh bien, qui travaille, qui est présent ?

Nous y voyons l’œuvre de l’Esprit, celui qui rassemble l’humanité dispersée pour qu’elle trouve son accomplissement en Christ, dans le corps du Christ. Alors, 2020, on pourrait en parler comme d’une année eucharistique, comme la première étape d’une redécouverte de l’eucharistie : ce corps livré pour nous, ce corps creusé, ce corps ouvert pour nous laisser l’espace de former en lui un seul corps. 

About the Author

Etienne Grieu SJ

Étienne Grieu is a Jesuit, ordained priest in 1998. He teaches at the Center Sèvres (Jesuit Faculties in Paris), of which he has been president since 2017.

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